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Les niches fiscales : un droit acquis ?

Le cumul des niches fiscales est désormais dans la ligne de mire du législateur. En effet, d’année en année le plafond concernant le cumul ne cesse de diminuer. De nombreux clients ont pu se demander si une règle fiscale qui leur était bénéfique, constituait un droit acquis.

Cette question nécessite une analyse en deux temps

I/ La rétroactivité de la Loi fiscale et la possible diminution du bénéfice fiscal de la réduction d’impôt :

Pour que le bénéfice de la Loi Scellier soit diminué, il est nécessaire de s’interroger sur la possibilité pour une loi fiscale de revenir sur les avantages accordés à un contribuable (A) pour vérifier si cette hypothèse est ici probable (B).

A/ Sur la possibilité d’adopter une loi fiscale rétroactive encadrée par un but d’intérêt général suffisant :

L’article 2 du Code civil dispose que « La loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif ».

Pourtant, le juge constitutionnel a affirmé clairement « qu’aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle ne s’oppose à ce qu’une disposition fiscale ait un caractère rétroactif et que la circonstance qu’une telle disposition soit contenue dans une loi de finances ne saurait interdire une telle rétroactivité. » (Cons. const., 29 déc. 1984, déc. n° 84-184 DC : Journal Officiel 30 Décembre 1984).

Un an auparavant, il avait indiqué « qu’aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle n’interdit à la loi de revenir sur une exonération fiscale acquise sous l’empire d’une loi antérieure ou d’en réduire la durée. » (Cons. const., 29 déc. 1983, déc. n° 83-164 DC : Journal Officiel 30 Décembre 1983)

Le Conseil constitutionnel limite la possibilité pour le Législateur d’adopter des lois fiscales qui viendrait supprimer un droit acquis par un contribuable.

La Jurisprudence du Conseil Constitutionnel s’articule autour de deux idées :

> D’une part, il est nécessaire que les droits fondamentaux reconnus aux contribuables soient respectés,
> D’autre part, il est nécessaire que la loi rétroactive soit justifiée par un but d’intérêt général suffisant dont la nécessité doit être démontrée de façon de plus en plus précise.

Ce n’est qu’à ces deux conditions cumulatives que la loi fiscale peut rétroagir.

S’agissant du respect des droits fondamentaux, le Conseil constitutionnel s’intéresse au contribuable. En tant qu’entité qui participe de manière fondamentale au financement des charges publiques, le contribuable mérite un minimum de respect.

S’agissant de l’existence d’un but d’intérêt général suffisant, le Conseil doit constater que la loi fiscale rétroactive a toujours une cause, et cette cause se trouve dans une irrégularité ou une illégalité commise par l’Administration.

Pour « couvrir » cette irrégularité ou cette illégalité, la loi fiscale ne peut rétroagir que pour des motifs légitimes, et non pas pour n’importe quel motif. A cet effet, le Conseil constitutionnel a eu recours à la notion d’intérêt général.

Cet intérêt général ne peut pas se réduire à un simple intérêt financier (Cons. const., 28 déc. 1995, déc. n° 95-369 DC : Journal Officiel 31 Décembre 1995).

B/ En particulier, sur le dispositif SCELLIER :

En l’espèce, même si une loi de finance pourrait tenter de remettre en cause le montant maximum du bénéfice fiscal accordé au contribuable dans le cadre d’un investissement Scellier, à notre sens le but légitime ne sera pas reconnu par le Conseil constitutionnel dans la mesure où cela se réduira à un simple intérêt financier.

Par conséquent, et à notre sens, l’investissement peut être réalisé sans trop d’inquiétude quant à la remise en cause de l’avantage fiscal.

II/ Sur le plafonnement des niches fiscales :

A compter de l’imposition des revenus de 2011, le total des avantages compris dans le plafonnement global des niches fiscales (CGI art. 200-0 A) ne peut pas excéder 18 000 € + 6 % du revenu imposable du foyer fiscal (loi art. 106-I ; CGI art. 200-0 A-I modifié).

Pour l’application de ce nouveau plafonnement, il est tenu compte des avantages accordés au titre des dépenses payées, des investissements réalisés et des aides accordées à compter de 2011 (loi art. 106-II, 1er al.).

Les investissements résultant de décisions d’investissement prises avant le 1er janvier 2011 restent hors du champ du plafonnement (voir § 1-94 et 1-95).

Il en sera de même pour une loi de finances sur les revenus de 2012 qui pourra plafonner de façon globale les niches fiscales à 10.000€ étant précisé que le plafond ne sera pas applicable pour les investissements antérieurs à 2012.

Toutefois pour les investissements réalisés au cours de l’année 2012, le plafond à 10% pourra s’appliquer.

Thibaud VIDAL

Avocat au Barreau de Paris

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